Etre disponible et en même temps dans le corps de l’autre

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Je suis tombée sur cette vidéo de Grégoire Malandain qui m’a impressionné. La précision de son langage chorégraphique, la fluidité de ses mouvements et la manière dont il semble naviguer aisément entre maîtrise et abandon.

Curieuse, j’ai participé à un stage qu’il animait à Micadanse la semaine dernière. J’ai pu y prendre le temps d’explorer de nouveaux chemins, fluidifier mes mouvements et essayer différentes manières d’initier des enchaînements tout en restant détendu.

Formé à l’A.I.D de Paris et au CNSD de Lyon, à 25 ans, Grégoire habite à Bruxelles et danse depuis deux ans dans la compagnie Ultima Vez dirigé par le chorégraphe de Wim Vandekeybus. J’ai pu lui poser quelques questions à la fin du stage en voici la retranscription.

Qu’est ce qui t’a amené à la danse ?

J’ai commencé par le cirque, j’en faisait à côté de chez moi, j’aimais bien bouger, j’avais besoin de mettre mon corps en action. En primaire, un pote m’a emmené à un cours de hip-hop, ça allait avec mes goûts musicaux, je me suis mis à en faire pas mal parallèlement au cirque.

A l’école j’avais du mal à m’assoir sur une chaise et rester assis pendant des heures. Je ne m’y sentais pas à ma place, j’avais besoin de bouger dans tous les sens et de rêver. Je faisais beaucoup de photographie et de la vidéo. Je me suis laissé porté, je suis devenu danseur et à côté je continue de faire de la video et de la photo.

Qu’est-ce que tu as gardé du cirque ? 

Le côté jeu. Par exemple si je me mets à explorer une qualité de mouvement, au lieu de réfléchir sur ce que je dois faire, je vais jouer en établissant des règles, des consignes, de façon à avoir des supports et rebondir dessus. De la contrainte va faire naître d’autres libertés. Par exemple en jonglage il faut toujours qu’il y ai une balle en l’air. Je vais définir des espèces de règles qui vont me permettre d’explorer.

Qu’est-ce qui t’as inspiré pour structurer tes ateliers ?

Toute la première partie du cours sur les isolations, la conscience et la spirale c’est comment j’aime bouger quand j’improvise. Après la partie contact, ça vient du conservatoire. J’ai fait des parallèles entre ce que j’ai appris et mon univers.

Ce que j’aime dans mes ateliers, c’est qu’il permettent de revenir au rapport au monde, à l’essentiel.  Toute la journée tu prends des tensions, quand tu prends le métro, quand tu vas au travail … C’est un espace pour se faire du bien et se procurer des sensations. En plus t’apprends à bouger ton corps. Je trouve qu’il y a un truc presque thérapeutique dans la connexion à l’autre. Ne pas avoir peur de se coller avec quelqu’un que tu connais pas. Tu te dis je transpire, toi aussi, ça arrive. Dans le métro, personne ne se touche, se parle ou se regarde.

J’ai remarqué que tu utilisais la conscience dans ta manière de transmettre est-ce que tu as une pratique méditative ?

Je suis beaucoup dans la détente, j’ai fait un peu de yoga, les gens peuvent appelé ça du Feldenkrais ou de la méditation, moi j’aime bien m’allonger par terre et faire des voyages sans bouger. Tout le travail au sol que l’on a pu faire au début du cours, c’est ça ma méditation.

J’aime aussi utiliser les images, j’ai compris énormément de choses grâce à ça. Si tu fais un exercices où on te donne pleins de termes anatomiques et tu comprends rien, d’un coup on te donne une image, une métaphore et tu comprends tout parce que ça va t’évoquer une sensation plutôt qu’une réflexion.

J’aimais bien ce que tu disais par rapport à être avec l’autre tout en restant vivant…

Oui être disponible et en même temps dans le corps de l’autre. C’est l’extérieur/intérieur qui va comme créer des résonance entre les deux corps.

Quand tu fais des exercices en groupe, il y a une conscience collective qui apparaît, c’est comme si l’égo disparaissait au service du groupe. Oublier l’individu au service d’un tout, c’est assez incroyable les trucs qui peuvent en ressortir. J’aime beaucoup travailler sans miroir, parce qu’avec le miroir tu es dans l’esthétique et le visuel alors que sans tu peux aller dans les sensations et oublier toutes les couches et ainsi à arriver à une qualité presque cellulaire. Il y a pleins de gens comme Sacha Waltz qui t’en parleront mieux que moi.

Quels sont les moments qui t’ont le plus touché dans ton parcours ?

Les meilleurs moments que j’ai pu vivre c’était en studio ou à l’école avec d’autres danseurs.  Il y a eu des instants magnifiques que j’ai eu sur scène mais c’était plus lié à des émotions intenses alors qu’en studio c’était de l’oubli de soi, du gommage de l’égo et une connexion qui pouvait nous faire toucher des états modifiés de conscience.

Comment choisis-tu avec qui tu vas danser ?

Il y a des personnes avec qui tu créé des affinités, comme dans la vie, t’aimes bien traîner avec quelqu’un parce que tu t’entends bien avec. En danse c’est pareil, t’aimes bien danser avec quelqu’un parce que ton corps s’entend bien avec le sien.

Est-ce qu’il y a des chorégraphes avec qui tu rêves de danser ?

Il y en avait mais c’est un fonctionnement que j’ai vite arrêter parce que ça m’influence trop sur ma façon de danser et je finis déçu. Il y a des gens avec qui j’aimerai bien danser mais je suis pas là à me dire que c’est mon rêve ou mon but. Et il y a un truc que j’ai appris à faire, c’est de ne pas prendre la danse trop au sérieux. A la base je fais ça pour me faire plaisir, parce que c’est quelque chose qui me procure du bonheur et pleins de sensations, alors si je me brime avec des obsessions, ça n’a plus de sens.

Par rapport à ton statut de danseur comment tu es ?

Je suis intermittent, donc pour l’instant ça va pour moi et si demain je n’ai plus de boulot je me dis qu’au pire j’irai travailler dans un bar. De toute façon personne n’a de sécurité. Enfin si ceux qui ont des CDI et encore. Je pense qu’il faut pas avoir peur de faire autre chose. C’est pas parce que je prends un poste de barman que ma carrière de danseur est terminé.  Je peux faire des breaks même si il y a un entraînement quotidien à avoir. Je pense d’ailleurs que c’est bien d’en sortir. Je vois, je fais de la photo et de la vidéo, au delà de me faire un peu d’argent ça me permet de reculer d’avoir un autre point de vue. J’ai de la chance que les deux aillent bien ensemble. Je rebondis entre les deux, c’est parfait.

Photo à la une de Danny Willem

pour en savoir plus sur Grégoire Malandain cliquez ici

 

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